Caravage et les techniques du clair-obscur ou du ténébrisme, pour un peintre qui aimerait tenter l’expérience, est assurément un défi. Du moins, pour ma part.
Les caractéristiques des œuvres du Caravage résident dans les possibilités qu’offrent le travail sur l’ombre et la lumière d’une manière accentuée. Sur la capacité de pouvoir révéler les formes et créer les volumes par le contraste et non le trait, de jouer avec les valeurs des tons afin d’augmenter ou diminuer la luminosité perçue sur certaines parties d'une toile.
Les œuvres du Caravage, outre leur caractère interpellant, violent, voire choquant, décriées comme adulées jadis, sont ténébreuses et flamboyantes à la fois.
Mais par où commencer lorsque l’on est peintre et que l'on souhaite expérimenter la technique du Caravage ?
La préparation du "Mestica"
Dans les études menées sur le Caravage par les spécialistes du genre, l’évidence de l’utilisation d’une « première couche » particulière a été établie. Le peintre mêlait huiles, pigments plus ou moins foncés, notamment des piments de terre, du Gesso, et parfois du sable pour obtenir le "Mestica" idéal afin d'enduire ses toiles en lin.
"Mestica" est un terme italien qui nous parle d’un mélange de couleurs, d’huile de lin et de l’obtention par ce biais d’une matière cireuse que le Caravage privilégiait.
La difficulté étant de bien cibler le degré d’obscurité de cette première couche en fonction du rendu final souhaité.
Pour ma première expérience dans l’utilisation de la technique du peintre, j'ai mis au point un « Mestica » très clair. Opérant traditionnellement sur fonds blancs en y apportant des couleurs, l’approche est curieuse et déstabilisante au départ.
Des questions tel que « Que peut-on faire de ce fond ombreux ? » « Comment vais-je m’y prendre ? » surgissent.
À vrai dire, la technique du Caravage nous demande de dessiner avec un pinceau avant toute chose. Le plus souvent celui-ci utilisait un brun de terre ou "Burnt umber" afin d'esquisser une ébauche sur son Mestica. Une sorte de " toile sous la toile".
Ci-dessous, j'ai pour ma part utilisé un brun de sienne à l'huile avant d'utiliser un blanc de titane pour créer le clair-obscur.
Le défi est aussi celui de ne pas recouvrir les traits de l'ébauche dressée au brun de sienne mais au contraire de se servir de ce support pour créer les contrastes entre la lumière et l'ombre selon les couleurs utilisées ainsi que les volumes nécessaire à la toile dans sa complétude.
Et justement. Parlons à présent de ce résultat censé être obtenu.
Le clair-obscur.
Suite à ce premier ouvrage, que vous ayez choisi de créer une esquisse à l’acrylique ou à l’huile viendra la pose des couleurs. Là encore, c’est une expérience déstabilisante…
Lumière sur ténèbres. Chaque touche de pinceau est hésitante et doit être réfléchi.
Du moins, au départ. Car l’apprentissage vient vite. Au fur à mesure que l’on avance dans l’œuvre envisagée, la familiarisation avec la technique se fait.
Je dirai qu’il suffit de se lancer. De prendre son temps, d’observer, de saisir qu’opérer à l’inverse de la "logique" peut amener à un résultat satisfaisant et même à la pure créativité.
Même si vous débuter avec la peinture à l'huile , il est tout a fait possible de s'emparer de la technique du Caravage. C'est une approche, un ressenti singulier.
Le degré et la force du clair -obscur pouvant aller au ténébrisme peut être travaillé par chaque peintre. C’est un labeur où les couleurs apposées sur l'ébauche ne doivent pas trancher trop franchement avec le fond qui les précède. Tout doit être graduel. Imperceptible tout en étant visible. Les contours qui donnent la forme à un sujet ou objet doivent être flou sinon être littéralement absents. Les formes seront donc définies sans vraiment l'être.
Un maitre-mot à garder en tête lors du travail avec cette technique: « Suggestion ».
Ci-dessous, l'un de mes premiers résultats obtenus. Un clair-obcur où le « Mestica » a été élaboré dans un ton de noir.
Bien sûr, c'est une toile loin des sujets traités par Caravage.
A chacun son style...
L'on peut voir ici très nettement la "suggestion" avec le personnage de Judith, vêtue de noir, ou en portant attention aux tentures murales.
L'utilisation de la clarté et de l'ombre créer aussi la luminosité et le volume.
Le clair-obscur du Caravage est donc une affaire de finesse et une véritable stratégie.
Une question cruciale s'est posée lors d'une autre toile où j'ai utilisé la technique Caravage.
D'ailleurs, cette huile sur toile , ci-dessous, pour vous, est-elle achevée ou non ?
Les puristes diraient qu'elle ne l'est pas, bien évidemment.
Suite à l'ébauche au brun de sienne, seul du blanc de titane et du "Crimson Red" ou cramoisi ont été utilisés. Le contraste est encore faible. Les teintes de rouge manque de vivacité.
Il y aura ainsi- peut-être- une suite. Des couches supplémentaires qui augmenteraient le rendu des volumes et l'impression de profondeur.
Mais qu'en est-il en ce qui vous concerne ?
Avez-vous tenté la technique du Caravage ? Quel est votre propre retour d'expérience sur le sujet ?
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